Dimanche 24 février à 17h. GREEN BOOK: SUR LES ROUTES DU SUD, une belle histoire d'amitié et de l'humour!
GREEN BOOK VOSTF 2h10 de Peter Farrelly (USA) 2019
En 1962, alors que règne la ségrégation, Tony Lip, un videur italo-américain du Bronx, est engagé pour conduire et protéger le Dr Don Shirley, un pianiste noir de renommée mondiale, lors d’une tournée de concerts. Durant leur périple de Manhattan jusqu’au Sud profond, ils s’appuient sur le Green Book pour dénicher les établissements accueillant les personnes de couleur, où l’on ne refusera pas de servir Shirley et où il ne sera ni humilié ni maltraité.
Dans un pays où le mouvement des droits civiques commence à se faire entendre, les deux hommes vont être confrontés au pire de l’âme humaine, dont ils se guérissent grâce à leur générosité et leur humour. Ensemble, ils vont devoir dépasser leurs préjugés, oublier ce qu’ils considéraient comme des différences insurmontables, pour découvrir leur humanité commune.
L’Amérique de la ségrégation, deux personnages que tout oppose, et beaucoup d’humour.
Entre comédie et road-movie Green book : sur les routes du Sud repose sur le ressort, cher à la comédie américaine, du duo antagoniste : obliger deux personnages que tout oppose (du moins en apparence) à collaborer ou cohabiter, les amener à surmonter leurs conflits pour atteindre un objectif commun.
Le film s’inscrit dans la tradition très américaine du road movie. L’arrachement à leurs repères quotidiens, la longueur du voyage en voiture (symbole de liberté individuelle de « l’American way of life »), la découverte des grands espaces américains (dont Tony, l’enfant du Bronx, ne manque pas de célébrer la beauté), permettent aux héros de se ressourcer et de se (re)définir.
Le Green Book
Green Book : sur les routes du Sud emprunte son titre à The Negro Motorist Green-Book, un guide de voyage publié tous les ans entre 1936 et 1966 pour recenser les établissements (restaurants, hôtels et commerces) qui acceptaient la clientèle noire. Le « livre de Green » comme il était sur-nommé, était compilé et publié par un postier afro-américain de New York appelé Victor Hugo Green, et il s’est très rapidement imposé comme un outil de survie indispensable aux Afro-Américains se déplaçant en voiture. S’il ne couvrait initialement que la région de New York, The Negro Motorist Green-Book s’est progressivement étendu à la majeure partie de l’Amérique du Nord, aux Caraïbes et aux Bermudes. Aux États-Unis, son utilisation était particulièrement précieuse dans le Sud, où les lois ségrégationnistes Jim Crow variaient d’un comté et d’un État à l’autre, sans parler des règles officieuses comme celles des « Sundown towns », ces villes qui interdisaient aux Noirs américains de se déplacer après le coucher du soleil. Le « livre de Green », qui était vendu dans les stations essence Esso et par correspondance, permettait aux voyageurs noirs de planifier leur trajet pour éviter tout harcèlement, toute arrestation et toute violence. Suite à la ratification du Civil Rights Act par le Président Lyndon B. Johnson en 1964, les lois Jim Crow furent abolies. The Negro Motorist Green-Book n’avait donc plus lieu d’être et il est progressivement tombé dans l’oubli. Victor Hugo Green est décédé en 1960 et n’a donc pas connu la fin de la ségrégation. Sa veuve, Alma, a continué à publier l’ouvrage jusqu’en 1966.
Une histoire vraie
S’il est aujourd’hui un peu tombé dans l’oubli, le personnage de Don Shirley est une découverte passionnante. Il est ce que les sociologues appelleraient aujourd’hui un « transfuge de classe », qui s’est affranchi de son destin social (un destin grandement déterminé par la race dans l’Amérique des années soixante)
Le vrai Don Shirley
Dr Donald Walbridge Shirley, pianiste virtuose, compositeur, arrangeur, était un génie de la musique. Un véritable prodige d'origine jamaïcaine né à Pensacola en Florida, qui aurait étudié au Conservatoire Rimski-Korsakov de Saint-Pétersbourg, en URSS, à l’âge de 9 ans et donné son premier concert avec l’orchestre Boston Pops à 18 ans. Il a obtenu plusieurs doctorats, était polyglotte et considéré par le magazine «Esquire», comme le pianiste « le plus doué » de sa génération. Plus éloquent encore, le célèbre Igor Stravinsky, contemporain de Don Shirley, affirmait que sa « virtuosité (était) digne des dieux. »
On lui fait pourtant fait très vite comprendre qu’on ne peut pas être à la fois Noir et faire carrière dans un tel cénacle. Don Shirley va dés lors réorienter son répertoire vers une sorte de no man's land entre jazz, cabaret, spirituals et musique de chambre. Il tente par ailleurs un trio original -piano/violon/contrebasse-, réarrangeant aussi bien des extraits de la Symphonie No2 de Rachmaninov qu'un standard comme Lullaby of Birdland dont la version a visiblement bluffé le jeune pianiste Kris Bowers, qui a composé la B.O. du film.
Décédé en 2013, fut également proche de Duke Ellington et Sarah Vaughan. Il aura aussi participé -et lorsqu'on voit le film, on comprend pourquoi- à la marche de Selma, en 1963, derrière Martin Luther King.